Bénévole à la S.P.A.

Je prends ma voiture. Direction Saintes. Cet après-midi je pars faire la connaissance des bénévoles du refuge du Bois Rulaud. 

Je rencontre d'abord  Loup, un magnifique Malinois, si bien entretenu qu'on pourrait le croiser dans la rue sans penser qu'il vient d'un refuge !

Il est accompagné d'Anny, mince, svelte comme une sportive, qui m'explique que maintenant qu'elle est  à la retraite, elle peut venir un peu plus au refuge. Parce que cela fait 15 ans qu'elle donne son temps pour soigner ses protégés, mais seulement une fois par semaine. Depuis septembre, elle a d'autres ambitions. Aujourd'hui c'est  Loup. 

Loup est le chouchou d'une autre bénévole qui ne pouvait être présente et qui lui a demandé de prendre soin de son précieux. 

Je demande a Anny si elle a un chouchou parmi tous ces toutous:

"Non, me répond-elle, il ne faut pas" 

Je comprends parfaitement son opinion. La boule au ventre, je suis déjà plongée dans un monde qui reveille un tel désaroi mais cependant je me sens bien ici. Tout le monde est gentil, dévoué et chacun se démène pour le bien être des pensionnaires. Si bien qu'on oublie vite sa peine pour se concentrer sur les nombreuses tâches.

Je m'arrête à la chatterie. Je n'ai jamais eu le courage d'y entrer, par lâcheté sans doute. La peur d'affronter ce sentiment d'impuissance qui me prend aux trippes chaque fois que je croise le regard d'un animal malheureux. Mais aujourd'hui, c'est différent. Maintenant je viens rejoindre ces gens silencieux qui offrent leurs services gratuitement. Parce qu'il est là, au fond, ce sentiment d'inutilité. Noyé au quotidien dans la folie de notre société, il apparait soudain pesant, presque insupportable quand on se sent les poings liés face à ces créatures si délicates que sont les chats. Mais ici, on agit, on ne se morfond pas. Il y a mille choses à faire.

Je me présente, moi et mes grands projets, à cette petite dame qui me fait la conversation. Paroles sans doute rabachées à chaque nouveau venu mais sa sincérité ne s'est pas usée au fil des années. Elle s'active à nettoyer les cages des chatons. Un petit noir pointe le bout de son nez entre les barreaux, mes préférés. Stigmate des souvenirs d'un chat que j'avais enfant. Félix. 

Elle me répond qu'ici il y a plus de cent chats. Le découragement m'écrase,  je l'abandonne pour aller apporter mon aide juste en face, côté chiens.

Pas le temps de se morfondre, je rejoins Francesca qui va m'emporter dans un tourbillon de balades et de toutous en tous genres. 20 ans de dévouement auprès du refuge du Bois Rulaud. Le plus bluffant est son âge. Je me trompe d'au moins 15 ans. Mais elle est si vive de corps et d'esprit, elle respire la jeunesse. Je me dis que j'aimerais bien en traîner un ou deux ici, qu'ils voient ce qu'une femme fragile est capable de faire, et avec le sourire en prime. Ce monde est principalement féminin. Peu d'hommes. Dommage, dans ma profession d'éducateur canin, ils sont pourtant largement majoritaires. 

Il ne faut pas s'attarder. Ce jour, elles sont peu nombreuses et elles se dépêchent pour sortir tout le monde. Hier nous étions dimanche et le refuge était fermé, ce qui prive les toutous de leurs promenades avec leurs précieuses bénévoles.

Je ne dis rien mais je suis très heureuse qu'elles considèrent les balades comme une priorité. Il y a tellement de gens qui pensent que de laisser renifler et courir son chien est  secondaire. Tout au contraire !  C'est  la source de bien des problèmes de comportement. Un chien bien dépensé est un chien bien dans ses coussinets. Comme un jogger après un entrainement, un marcheur après une  randonnée. La dépense physique fait partie des besoins primaires du chien, au moins 1 heure par jour ( si votre chien est peu exigeant). Renifler fait partie des dépenses mentales du chien, tout aussi primordiale.

J'attappe les longes, les harnais. J'essaie de me rendre utile et de ne perturber personne par ma présence. Je fais de mon mieux pour  enregistrer chaque détail, chaque nom de toutou, chaque sourire de bénévole sans oublier les tempéraments des chiens. Double boulot ! 

Francesca, avec calme et douceur, prend le temps de m'expliquer tout ce qu'il y a à savoir. Et puis elle finit par m'envoyer promener un chien toute seule. Pendant ce temps elle pourra faire autre chose. Je me sens utile.

J'accepte volontier et je pars donc faire le drapeau derrière quelques toutous qui ont soif de liberté. Je sue, je rie, je cours presque mais surtout je ressens cette amour inconditionnel des chiens, presque palpable, qui s'exprime partout autour de moi.

J'y passerais toute l'après-midi et l'heure de fermer les portes est arrivée trop vite.

Refuge du Bois Rulaud

Après tout ce bruit, ces aboiements et ces échanges, je m'enferme dans ma petite voiture, au calme, pour rentrer à la maison. Je roule, perdue dans mes rêves, laissant mon esprit réfléchir à tout ce que je pourrais faire pour les aider. Je me perds. Evidemment !

Mes loulous m'attendent pour leur balade du soir et, bien dans mes baskets, épuisée mais sereine, je leur donne les toutes dernières gouttes d' énergie que je leur réservais.